Vis à vie

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Son odeur me colle à la peau, seule preuve tangible de son passage éclair dans ma piètre existence. Autour de moi, la vie suit son cours, sûre d’elle. J’aimerais posséder les mêmes certitudes. Foncer.

Le temps semble épouser ma cause. Il est comme moi. Gris, sale, froid. Une légère pluie se déverse lentement sur la ville, noyant mon cœur. Je préfère cela à une journée lourde de soleil et de rires.
Autour de moi, les gens grommellent. Une vieille dame s’exclame :
« De mon temps, ce n’était pas comme ça ! »
Votre temps ? Et le mien, quand viendra-t-il ?
Elle poursuit :
« Remarquez… On était tout le temps fourrés dehors, nous. Et on savait se contenter de peu ! Pas comme tout ces jeunes qui font dépenser des fortunes à leurs parents en vêtements sophistiqués, sorties coûteuses et matériel électronique débilitant ! »
Autour d’elle, les gens approuvent avec vigueur. Chacun y va de son petit commentaire : « Elle a bien raison » « De toutes façons, ils ne savent plus rien faire ! » « C’était tellement mieux avant… »
Mon petit sourire en coin n’a pas du leur échapper, car leurs regards, accusateurs, se braquent désormais sur moi, me détaillant comme s’ils étaient soudainement face au monstre responsable de tout leurs problèmes.

De l’autre coté du bus, le seul autre « jeune » ne m’est pas d’un grand secours : casque sur les oreilles, son attention est totalement accaparée par le message qu’il est en train de taper sur son portable. Exemple type de l’adolescent décrit par la vieille femme, perdu dans son monde, il a échappé au monologue de celle-ci, évitant du même coup la fureur des autres occupants du bus.

Je décide de faire de même et sort mon baladeur de ma poche. La musique se déverse dans mes écouteurs. For Lovers, de Wolfman.

Le temps que je relève la tête et le reste du bus m’a déjà oublié. C’est mieux comme ça.

On finit toujours par m’oublier.






Arrêt du bus. Me voilà dehors, échappant enfin à la chaleur oppressante de celui-ci. Mes bras nus se couvrent de chaire de poule tandis que la légère pluie me recouvre doucement. Je range mon carnet et en profite pour sortir de mon sac une cigarette sur laquelle je tire avec délice.

Un court instant, je me sens pleinement vivante. Ça fait du bien.

Mon mp3 passe désormais Faux contact, de Pauline Croze.

Et c’est sans y faire véritablement attention que je me remets en route. Passer à la librairie récupérer le bouquin pour la fac. En profiter pour prendre des feuilles et un stylo bille noir à pointe fine. Mon paquet de clopes est presque vide. Je décide de faire un léger détour pour en racheter un.




Pour la première fois de ma vie, je suis contente de voir l’été se terminer. Pas que j’ai tellement envie de retourner en cours, mais avoir trop de temps pour penser me nuit.

M’abrutir de travail semble être la solution la plus simple pour oublier toutes ces choses qui me hantent.

Soudain, une évidence me frappe et je me hâte d’ouvrir mon carnet pour la noter, sans faire attention aux gouttelettes qui, silencieusement, viennent imbiber d’eau le papier.

« Quand bien même l’homme déteste et méprise ses congénères, il a besoin d’eux pour ne pas devenir fou. »

Deux évidences en moins de 24h. La journée aura été productive.




20h. De retour à l’appartement, je fais face à ces murs blanc cassé, miens  depuis quelques jours à peine et que j’abandonnerai à la fin de l’année scolaire. Je dois avouer que me retrouver seule me déprime un peu.  J’allume le PC et met de l’eau à chauffer avant d’aller déposer mes affaires dans le réduit qui me sert désormais de chambre. 

Aucun nouveau message.

Un rapide coup d’œil par la fenêtre m’apprend que le temps est toujours aussi moche. Il se dégrade même. De lourdes gouttes d’eau s’écrasent avec fureur sur le toit en tôle ondulée du local en face.

C’est la vieille dame qui doit être contente.

La bouilloire siffle, signe que mon eau est chaude. J’en remplis une tasse dans laquelle j’ai préalablement versé une préparation toute faite de soupe miso au gingembre. Deux jours seulement que je suis ici, et j’ai déjà la flemme de cuisiner.

Je n’ose imaginer de quoi se composeront mes repas dans un mois…




Minuit. Allongée sur mon lit, je me noie, plongeant avec délice le nez dans mes draps encore tout imprégnés de son odeur. Le téléphone reste désespérément muet.

Dix jours à peine qu’il est parti, et déjà j’oublie tout.
Ses mains, son sourire, sa voix, le goût de ses baisers.
Sa silhouette s’estompe un peu plus chaque seconde dans le brouillard environnant des souvenirs des moments passés ensembles.

Même la douleur a disparu, enfuie devant un manque total de réaction.

Ne reste plus que cette démesurée sensation d’absence. La certitude absolue que les choses ont été laissées en suspend. Que ce qui aurait du être dit ne l’a pas été. Et que c’est ce moment là qui, brisé, revient encore et encore pour tenter d’exister enfin.

Mais c’est trop tard.
Il est parti.




Je vais vomir. Je sens la bile remonter le long de ma gorge et j’ai à peine le temps de foncer aux toilettes. La soupe n’aura même pas eu le temps de me réchauffer. Je grelotte, sans vraiment comprendre ce qui m’arrive. Il faut que je fasse face. Regarder le message sur mon portable. Encore une fois
« coucou, ça va ? »
Et, enfin, refaire surface dans la réalité.

Il ne m’a pas quittée. Il ne m’a pas abandonnée. Nous sommes toujours ensemble.

Je n’ai pas eu le courage de lui dire que je savais.
Que je connaissais ses mensonges, sa trahison.

« Je n’aime que toi »
Tu parles Charles.

Je sais. Alors arrête. Arrête.

Et, roulée en boule, je sanglote misérablement sur le carrelage des toilettes. Je suis pitoyable. Je voudrais le rouer de coups, et me blottir dans ses bras. Je veux disparaître.

Qui a dit qu’aimer était une partie de plaisir ? Il faudrait que je lui dise. Que je le quitte. Mais je n’en n’ai pas la force. Je n’ai la force de rien en ce moment.

Et l’autre, elle sait ? Cette question m’obsède.

J’ai mal, si mal. Et, malgré moi, je ne peux m’empêcher de répondre.

Je n’en peux plus de faire semblant d’être heureuse. Je n’en peux plus de tout ces mensonges. De faire semblant de le croire. Et pourtant, je continue



Le retour à la réalité est brutal. Une sonnerie lointaine me sort inexorablement du doux délire dans lequel je m’étais enfuie avec délices.
Je ne réponds pas. Je sais que c’est lui. J’ai attendu cet appel dix jours durant, et je ne réponds pas.
Enfin, mon téléphone s’éteint. J’enfouis ma tête dans l’oreiller. Fermer les yeux est inutile. Le sommeil ne reviendra pas me chercher. Je capitule.

messagerie.
Une voix grave. Profonde. Douce. Sa voix.

« Ouais, c’est moi…

J’avais oublié à quel point j’aime sa voix. Les yeux perdus dans l’immensité de la nuit, je dérive, oscillant entre le bonheur de le sentir si près, et l’horreur d’avoir été trahie.

« Hélène, je…

Je sens venir le coup de grâce. Combat mortel mené contre un répondeur. Il faut que je profite de son silence, que je raccroche, que j’en finisse avec cette histoire pourrie.

« Tu me manques. Rappelles moi. »

Trop tard. Combat gagné par K.O. Allongée dans mon lit, je halète, le souffle coupé, tandis que la douleur se fraie de nouveau un chemin dans mon corps, recouvrant chaque centimètre carré de cette peau qu’il a embrassée,  remplissant une à une chacune de ces veines qu’il a embrasées.
Quitte à mourir, autant aller jusqu’au bout.  

Enfin, il décroche.
« Hélène… »
Je ne réponds pas. Il n’ajoute rien.



Les jours passent, noyés dans le coton brumeux de ma torpeur. Je ne suis plus qu’une mécanique vide de sens. Plus rien ne me touche. J’ai branché le pilote automatique et j’observe la vie d’un œil absent.
J’ai jeté mon portable, prétextant l’avoir perdu. Je n’allume plus mon ordinateur. Je me suis coupée du monde pour me couper de lui.




Enfin, un mardi matin, arrive une lettre. Enveloppe blanche, timbre neutre. C’est donc sans me méfier que je l’ouvre.
A l’intérieur, une feuille blanche, format A4. Recouverte d’une écriture type Arial.

« Hélène ». Sobre, neutre.

La fin est proche.

« Hélène. Tu ne réponds plus au téléphone, pas plus qu’aux mails, tu as disparu et j’ai n’ai plus que ce moyen pour accéder enfin à toi. Je ne sais pas si tu vas bien. Ou si tu vas mal. Mais cela suffit. Je ne t’écris pas une lettre de reproches. Cela fait bien longtemps que j’ai cessé de t’adresser des reproches. De te maudire et de vouloir, à défaut de ton amour, que nous ne nous soyons jamais rencontrés. J’aurais préféré que ce soit toi qui mettes un terme à notre relation. Cependant, peut-on parler de relation lorsqu’on n’a pas de nouvelles de l’autre depuis  plusieurs mois ? Je n’en peux plus d’aimer un fantôme, il faut que cela cesse. Cette fois ci, j’abandonne. »

Mon esprit tordu remarque qu’il manque la formule finale. Peut être a-t-il longuement hésité sur un « au revoir » ou un « adieu », et, finalement, n’a rien écrit. Peut être a-t-il tout simplement oublié. Il eût été préférable qu’il me dise adieu. En oubliant cette simple formule de politesse, c’est comme s’il avait laissé un lien entre nous deux.

Charge à moi, sans doute, de le briser.

Enfin, je prends conscience de la nouvelle. Il m’a quittée.
Autour de moi, le silence est étouffant.

Alors c’est ça, être seule ? Perdre l’être qu’on aime le plus au monde ?

Je n’hurle pas. Je ne m’effondre pas. A peine une larme prend-t-elle le temps de glisser silencieusement sur ma joue, avant de finir par s’écraser sur le sol.
Ma douleur dépasse le stade du simple physique. L’exprimer ne servirait à rien d’autre qu’à la renforcer. J’ai implosé en millions de particules.
Il ne me reste plus qu’à apprendre à vivre sans sa présence, lointaine, trompeuse, mais néanmoins tellement réconfortante

Petit personnage coincé dans les ruines d’un Hiroshima intérieur.

Ordinateur allumé, je suis devant ma boite mail. 253 mails non lus. Je sais que, perdu dans la masse, il y a les siens. D’un geste sur et décidé, j’appuie sur « effacer ».
L’idée de lui envoyer un mail m’effleure une seconde, mais non. Je suis peut-être fantôme, mais je me refuse à venir encore le hanter, alors qu’enfin, il a réussi à tirer un trait sur moi. Sur nous plutôt. C’est cela, je suis rayée. Gribouillée.

Jetée.




Pete Yorn chante Black, alors que je m’endors. Il est 13h, mais mon esprit et mon corps réclament le droit à l’oubli.

Lorsqu’enfin, je quitte cette torpeur débilitante, mon réveil affiche cinq heures du matin.
Je prends conscience du lieu dans lequel je vis.
Tout est recouvert d’une couche de poussière impressionnante. Il fait un froid à réveiller les morts. Des détritus jonchent le sol. L’ampoule du plafonnier a claqué et il ne reste plus qu’une petite veilleuse dans un coin de la pièce, qui diffuse silencieusement une lumière glauque.

Décidément, les mois précédents n'auront profité à rien ni personne.


Je me lance dans un grand ménage, ainsi que je le faisais enfant. Faire place nette à l’extérieur pour clarifier les choses à l’intérieur. Alors que dans la poubelle s’accumulent les divers détritus qui jonchaient le sol de l’appartement, que l’aspirateur avale l’un après l’autre la colonie de moutons installée sous mon lit et que mes mains frottent mécaniquement les vitres pour faire enfin entrer le soleil, je réfléchis. Tout mon être se concentre sur cette relation passée qui m’a profondément transformée. Je ne peux m’empêcher de faire des comparaisons ; me voilà devenue Emma Bovary, à la recherche d’un amour livresque illusoire. Rude choc que celui du retour à la réalité. Je repose enfin mes pieds sur terre. Je ne suis pas une héroïne de roman, du moins, pas une de celle qui se marie avec son prince charmant et vit un happy ending. Pas de « and they lived happily ever after ». Il est temps que j’épouse la réalité. En suis-je seulement capable ? Je n’existe pas, je me suis contentée de me rêver, donnant un ton mélodramatique à chacune des minutes passée, incapable de prendre ses responsabilités. A toujours tout décharger sur un hypothétique destin, une malédiction divine qui serait responsable de chacun de ces échecs qui jonche mon histoire.
Mon histoire. Pas ma vie.

Il faut que je sorte de cette spirale infernale qui m’aspire inlassablement. Mais comment faire ? Jeter mes livres et mes études ? J’en suis incapable : la littérature, si elle ne doit plus être ma vie, reste tout de même ma  passion. Alors quoi ?
Je me décide enfin à sortir de chez moi.

Dehors, il fait presque beau. Le printemps s’est installé sans que je ne m’en aperçoive. Les cerisiers sont en fleurs. Tout ça fait très cliché. Un genre de « après la pluie, le beau temps ». 
Comme si j’avais réussi à changer, tourner la page, fermer le livre. 
Mais non, Il me hante toujours autant.  L’air est tiède et  une douce brise caresse ma peau. J’ai peine à croire qu’une année déjà s’est écoulée depuis tout ça. Il y a du monde dans la rue. Les gens s’interpellent, rient. On me donne du "bonjour mademoiselle" par ci par là. Tout ça semble tellement irréel. J'hésite à m'asseoir à une terrasse et observer les gens, comme je le faisais autrefois, mais finalement, non. J'aspire à un peu de solitude, et ici, il y a trop de vie.  

Assise au bord du canal, je me perds dans la contemplation du monde aquatique qui s'étend à mes pieds. Un canard s'approche, espérant sûrement quelques miettes. Le temps se fige. C'est un de ces rares instants où je me sens enfin en paix avec moi-même et où cette solitude qui est la mienne me parait presque agréable. 
"Bonjour."
Je sursaute. Pour une fois que j'étais heureuse d'être seule, il a fallu qu'on vienne troubler ça. Je ne réponds pas et ne me retourne pas. Derrière moi, la voix s'impatiente
"Excusez moi, vous ne m'avez pas entendue? Bonjour?"
Je ne bouge pas, elle finira bien par partir. Mais non, la voilà qui s'assied à coté de moi. C'est une jeune femme qui doit avoir environ mon âge. Elle est rousse et elle a une drôle de barrette dans les cheveux. 
"Tu en veux une?" 
Elle me tend un paquet de cigarettes. Bon, il semble évident désormais qu'elle ne partira pas tant qu'elle n'aura pas eu ce qu'elle veut. Alors, vaincue, j'acquiesce et me sers. Elle se laisse tomber en arrière et ne dit plus rien. Nous fumons en silence.
"Et toi, pourquoi t'es là?"
Malgré moi, je me surprends à répondre
"Comprendre."
"Et ça marche?"
"Pas trop non."
"Peut-être qu'il n'y a rien à comprendre."
Je ne sais combien de temps nous sommes restées là, à ne rien dire, à ne rien faire. Quand je me suis levée, il faisait nuit.

Mes pieds sont glacés, mon lit vide. Solitude, quand tu nous tiens. Un noeud coulant autour du cou, j'essaye de ne pas tourner la tête. Ne pas me retourner, ne pas voir ce champ de ruine qu'est ma vie. Vie sentimentale, vie sociale.
Je ne sais pas trop si c'est lui qui me manque, ou bien ce qu'on avait du temps où la joie était encore là. Par la fenêtre j'aperçois toutes ces lumières. Moi, j'ai éteins la mienne. Plongée dans le noir, j’enchaîne les cigarettes. Ses cigarettes. Ça a comme une odeur de bonheur un peu fané.
Ça me fait du bien.
Ne suis-je donc capable de vivre qu'ainsi? Perdue dans un passé doucereux. Douloureux. 
Aujourd'hui, je me suis faite sifflée, accostée. De façon plus ou moins polie. Ils sont nombreux à me tourner autour. Je ne me vante pas, c'est un fait.
Il me suffirait d'en prendre un par la main, et mon lit ne serait plus si grand. Mais aucun ne lui arrive à la cheville. Aucun n'arrive à me donner des frissons.
Je ne veux pas m'ennuyer plus. Je préfère être seule, à rêver, plutôt que de devoir supporter regards lubriques ou mielleux.
Je ne les aime pas. Je ne les désire même pas.

Je suis retournée de nombreuses fois au canal depuis ma rencontre avec la jeune fille. Presque à chaque fois, elle était là. On a partagé des cigarettes encore. Dans un silence presque absolu. Et pourtant, c'était comme si l'on tenait une longue et interminable discussion.
Un soir, elle s'est levée, m'a tendu la main et a dit "Vient. Maintenant, on va te réapprendre la vie." Et elle m'a emmenée danser.

Elle s'appelle Anaïs. Je ne sais pas quel hasard l'a fait croiser mon chemin, mais ce qui est sûr, c'est qu'en cette soirée d'avril, la vie était bien lunée à mon égard. Notre relation est des plus étranges, rien de ce que j'avais connu jusqu'à présent. Elle évolue dans un monde à part. Elle est décalée. Elle rit tout le temps. On forme une drôle de paire. Elle aime la compagnie. Il faut avouer qu'elle attire l'oeil. Mais elle ne me brusque pas. Qui sait pourquoi elle m'a prise sous son aile? Peut être avait-elle besoin d'un peu de calme. De tempérance. Comme si elle vivait trop fort.


C'est quoi, vivre? 
Est-ce qu'on peut dire que se contenter de respirer, c'est vivre? Est-ce qu'il s'agit juste de voir les années passer, les unes après les autres?
Ou bien, est ce qu'il faut s'impliquer? Se jeter à corps perdu, courir plus vite que le temps, tout essayer, tenter de connaître tous ceux dont on croise un jour la route.
Est-ce qu'on peut vivre trop fort?
Je crois que je suis une observatrice. C'est comme si tout ça, je n'en faisais pas vraiment partie. Un peu comme un film qui se déroulerait devant mes yeux. Au mieux, je ne suis qu'une figurante. Jamais un des personnages principaux.
Je manque cruellement de courage et de confiance en moi. Les autres me terrifient. Je ne me sens vraiment à l'aise qu'en retrait.
Et pourtant, pourtant, qu'est ce que tout ça me fait envie. Moi aussi je veux rencontrer des gens. Vivre à toute allure. Tellement vite que tout perdrait son sens. Que les contours disparaîtraient, laissant un monde flou, tout en tâches de couleurs.
J'ai l'impression de n'être encore qu'une enfant. Une toute petite enfant qui est persuadée que la nuit, ses poupées prennent vie, que les dragons existent et que l'on peut grimper sur les arcs-en-ciel. Mais après tout, je n'ai que vingt ans. Autant dire pas grand chose de plus.

Et puis, il y a Anaïs. C'est ma princesse de conte de fée, mon héroïne. Ce soir là, celui où elle m'a emmenée danser, je me suis surprise à me laisser aller. L'espace de quelques heures, le rêve est devenu réalité. J'ai vécu. Je me suis sentie à ma place, pour de vrai. Pour une fois. Elle me voyait et je n'étais plus transparente. Ses yeux étaient l'univers et ils me reflétaient.
Depuis, elle m'oblige à sortir plus souvent. Elle m'a présenté ses amis. Quand rien ne va plus, elle apparaît, comme par magie, me prend par la main et fait sourire le monde.

6 commentaires:

Rem' x'3 a dit…

C'est tellement agréable à lire, tellement facile de se mettre à sa place qu'on pourrait voir notre propre vie écrite dans un miroir.

J'aime beaucoup. J'ai hâte de pouvoir lire la suite, en espérant qu'il y en a une.

Lu' a dit…

Merci :D
Il y en a une. Ou plutôt, il y en aura une. Mais je compte développer cette nouvelle le plus à fond possible; c'est mon seul vrai projet sérieux d'écriture, et surtout le seul dont je ne me lasse pas

Ulvinne a dit…

Je viens de remarquer que l'on pouvait laisser des commentaires sur cette page! \o/

Alors, tout ça pour dire, ma chère, que cette nouvelle m'emporte loin, très loin!

Nom d'un chien que tu es douée!

(Et je ne veux pas entendre de "non, pas à ce point là, blablabla!", hein? ><)

Ulvinne a dit…

Bordel, Charlotte.

Je viens de relire cette nouvelle. De tout relire. C'est incroyable, cette sensation de vécu.

Sans blague, ne fais pas la modeste. Elle me transporte. C'est merveilleux ; j'en suis émue.

Anonyme a dit…

Un calice d'émotions qui ne donne pas la vie éternelle, comme le graal des chrétiens, mais la vie elle-même, ce qui est bien plus important. Je me sens bouleversé, non et pas simplement à travers l'écho que la nouvelle envoie à mes propres récentes expériences, mais surtout grace à la terrible sincérité de l'esprit derrière ces lignes. Terrible car c'est à la fois beau et affreux de s'ouvrir sans fard. Franchement, moi qui aime manier les mots, m'en voilà bien dépourvu après cette lecture...

Ulvinne a dit…

Je suis encore sous l'émotion, là.

Sans déconner, ma chère Lu', cette suite est superbe, et ton paragraphe sur la vie me bouleverse.

Bref : bravo!